Le laboratoire Prospectives de l’image, créé au sein de l’École nationale supérieure de la photographie, a pour objet les pratiques contemporaines de l’image et du photographique dans leur dimension dite « numérique ». On entend par numérique une façon de penser et de concevoir les images avant toute forme de qualification technologique. Ainsi, les technologies numériques étant présentes partout, il semble important de spécifier l’enjeu d’un tel laboratoire au sein de l’école nationale supérieure de photographie. En se plaçant dans une démarche prospective, le laboratoire entend, à travers son travail réflexif, ses enquêtes et ses expérimentations, révéler les potentialités inédites ou encore peu identifiées de la photographie, et par extension des images et des machines qui s’emploient à les fabriquer.
Sous la responsabilité de la professeure Caroline Bernard, le laboratoire est composé d’étudiants et d’étudiantes en master et en doctorat, ainsi que de chercheurs et chercheuses ponctuellement associé.e.s à des projets.
Les activités du laboratoire se déclinent selon différentes modalités. En première année, le cours Nouvelles pratiques de l’image et du photographique permet aux étudiants et étudiantes d’être sensibilisés aux champs artistiques, sociaux et politiques qu’impliquent une pensée du numérique. À partir de la deuxième année, le séminaire Prospectives de l’image, permet aux étudiant.e.s de prendre part de façon singulière, à la fois personnelle et collective, aux activités de recherche du laboratoire (contributions sous la forme de podcasts, lectures et discussions croisées, etc.). Outre les entretiens ou les journées d’études, le laboratoire réalise des projets d’ampleur, à caractère expérimental: Overscopia (2016), Ubiquité (2016), Anima (2017), La nef des fous (2018), In-Vivo (2020), Télescopies (2022). En constituant des équipes hybrides entre étudiant.e.s et chercheur.s.e.s., le laboratoire s’emploie également à mobiliser des partenaires extérieurs en collaborant avec d’autres institutions comme l’université du Québéc à Montréal (UQAM), l’école régionale des acteurs de Cannes et Marseille (ERACM), ou encore avec l’école supérieure d’arts d’Aix-en-Provence (ESSAAix).
Les images opératoires, un programme de recherche (2016-2020)
Les images opératoires est un programme de recherche du laboratoire Prospectives de l’image, mené en partenariat avec l’université du Québec à Montréal (UQAM). Au Canada, le projet jumeau Au-delà des images opératoires a bénéficié d’un financement du FRQSC (fonds de recherche Société et culture).
Caroline Bernard, professeure à l’ENSP mais également professeure associée à l’UQAM, Jean Dubois (vice-doyen de la faculté des arts) et Alexandre Castonguay (professeur UQAM) sont les fondateurs du projet de recherche et ils ont travaillé en équipe avec des étudiant.e.s à la maîtrise ou au doctorat. Ce partenariat a permis pendant quatre ans de croiser les compétences des enseignant.e.s chercheurs.e.s, et d’élaborer des activités de recherche en commun ainsi que des contenus pédagogiques. Ce partenariat a assuré une plus grande visibilité à l’international des résultats du laboratoire. Ainsi, à mi-parcours du programme de recherche, l’exposition Étant données présente, en avril 2018, à VOX centre de l’image contemporaine à Montréal un ensemble d’œuvres et de dispositifs réalisées par l’équipe de recherche.
Les images qualifiées d’opératoires dépassent les fonctions premières de représentation de la photographie. Elles relaient les événements en cours, voire les augmentent d’informations non visibles pour permettre par exemple la réalisation d’un geste technique ou l’analyse d’une situation. En décrivant l’expérience de Meydenbauer et l’invention de la photogrammétrie, le réalisateur Harun Farocki (1944 – 2014) explique que la photographie « contient plus que l’apparence visuelle des choses ». C’est-à-dire que sont imbriquées en son sein des informations qui ne sont pas uniquement de nature optique : des mesures, des flux, des cycles, etc. En étant notamment couplées à des unités computationnelles, les images génèrent des données soumises à analyse et ceci dans une grande diversité d’applications civiles ou militaires. L’image peut être également produite en vue d’assister un individu dans ses actions, Farocki parle alors d’ « images opératoires » lorsque celles-ci « ne visent pas à restituer une réalité, mais font partie d’une opération technique. »