Doctorat

Fanny Terno

Fanny Terno est née en 1992, à Monaco. Après une formation à l’École Supérieure d’Arts Appliqués Dupérré à Paris, elle étudie à l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles dont elle sort diplômée avec les félicitations en 2018. Elle développe depuis 2019 son travail en croisant le champ de l’image avec celui de la mésologie (風土学) dans le cadre d’un doctorat de recherche-création à l’Université d’Aix-Marseille et l’ENSP d’Arles, en partenariat avec la Kyoto City University of Art au Japon.

Thèse

«Mésologie de l’image, images de la mésologie»

Sous la co-direction de Caroline Bernard et de Christine Buignet

Partant d’un constat de crise générale liée à l’anthropocène et à ses effets dans les domaines sociaux, environnementaux, politiques, représentationnels, il nous semble que le trouble de nos rapports au monde, à l’altérité et à l’art semble en être symptomatique. Il est alors possible de se demander si une écologie de l’attention (Citton) expérimentée à travers la pratique artistique et sa réception pourrait, au delà d’une médiation (représentation), proposer des re-médiations en tant qu’hypothèses artistiques de résiliences écologiques, sociales et mentales (Guattari). Cette recherche se situe à à la croisée de plusieurs champs disciplinaires (arts visuels, architecture, esthétique, philosophie, curation) autour de ce qu’il y a entre les choses, les êtres et en leur milieu, s’attachant à expérimenter des possibilités de méditer – littéralement, prendre soin de – la rencontre entre des habitants mitoyens d’un même milieu.

La méthodologie à l’œuvre dans cette recherche réside dans la conjugaison de la mésologie avec le champ de l’image contemporaine, de sa pratique et de ses mutations. La mésologie (風土学, fūdogaku), entendue comme la science des milieux est en réalité plutôt une perspective générale et pluridisciplinaire. Son objectif est, selon Augustin Berque, de bâtir une alternative au paradigme occidental moderne classique. Ce dernier est caractérisé par le dualisme cartésien à travers une série d’oppositions qualifiant notre rapport au monde et à nous-même (objet et sujet, nature et culture, homme et animaux, etc.) et a pour conséquence d’abstraire l’humain de la terre (acosmie) de manière destructrice pour les espèces, les paysages, les cultures.

La symbiose des champs de l’image et de celui de la mésologie permettra des échanges et élaborations d’outils, de méthodologies d’analyses et de créations : nous envisageons de donner corps et action à la mésologie par le biais de l’image (images mésologiques) et de même, de penser et pratiquer méso-logiquement l’image (mésologie de l’image).


Corentin Laplanche-Tsutsui

Corentin Laplanche Tsutsui est né en 1990 dans les Pyrénées, où il a grandit. Il est diplômé de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs (2018, félicitations du jury) au sein du secteur photo-vidéo. Son échange à l’Académie des Arts de Chine (Hangzhou, Zhejiang, 2016-2017) a marqué un tournant dans sa pratique.

Il poursuit aujourd’hui un cursus doctoral en co-direction entre l’École nationale supérieure de la photographie (Arles) et le Centre Norbert Elias (AMU / EHESS Marseille), et mène une recherche autour des mutations urbaines.

Thèse

« Anticarte de la cité : pouvoir et contre pouvoir de la cartographie cognitive en milieu urbain »

Corentin s’intéresse à la cartographie cognitive comme possible outil de contre-pouvoir dont l’usage serait un acte politique.

En s’inscrivant dans une démarche d’artiste-chercheur il s’agit tout d’abord de comprendre comment l’accélération générale de nos sociétés, vue sous le spectre de nos métropoles, a affecté notre cartographie cognitive. Il est donc question de s’intéresser à des phénomènes non-artistiques, avec un regard d’artiste, tout aussi bien qu’à leur interprétation par la sphère artistique. La problématique de ce travail de recherche pourrait s’articuler ainsi : En quoi les enjeux de cartographie cognitive posés par les mutations de la ville contemporaine induisent-ils une esthétique des formes politiques ?

La recherche portera sur l’incidence des mutations métropolitaines durant les dernières décennies, questionnera en quoi ces évolutions, aussi bien urbanistiques qu’algorithmiques, impactent nos mécanismes cognitifs, viennent réécrire notre cartographie cognitive, nos modes intimes et collectifs de représentation de notre environnement, nos idéologies.

Ces problèmes de représentations seront envisagés dans une perspective formelle, relative à des rapports de productions : comment notre réalité est-elle produite ? comment elle nous informe ? et en retour comment nous-même la produisons ou pouvons-nous la produire ?

Il s’agira de faire usage de compétences artistiques, à l’image de Raivo Puusemp, c’est à dire d’une certaine faculté à appréhender des structures conceptuelles. Ces compétences seront destinés à un travail de recherche théorique; lui-même permettant de construire, et d’alimenter, la recherche plastique. Cette dernière s’articulera autour d’un projet de film et d’installation : Ville Composite.

Ville Composite

Osaka Stadium (1950-1998)
Stade de baseball japonais dont le terrain fut provisoirement occupé par un parking ainsi qu’un lotissement de maison témoins. Quelques années plus tard, il fut détruit pour laisser place à une tour et un centre commercial, connu aujourd’hui sous le nom de Namba Parks.

Autour du stade se déploie l’abstraite et lumineuse Composite City. Métropole fluide, fleuve – dans son courant s’interchangent valeurs et fonctions. Insaisissable, elle glisse chaque nuit un peu plus autour du globe. Est-il possible d’archiver une ville dont l’histoire est trop rapide pour être écrite ? La ville composite apparaît dans la nuit artificielle d’un studio de cinéma. Trois personnages y déambulent, arpentent le décor en construction de cette ville hybride. Ils parcourent la reproduction d’une ruelle de lotissement, s’installent sur des gradins ou observent la maquette de l’Osaka Stadium placée au centre du studio.

Le studio est en reformation permanente; comme la mégalopole monde, il n’a de cesse de muer. Pourtant les trois personnages, Q, K et B, parviennent à tisser de manière fragmentaire, au travers de récits d’expériences urbaines, l’histoire d’une métropole contemporaine. Ils sont les conteurs d’une ville plurielle et fantasmée, le stade est le terrain de leurs récits rejoués. En studio, les frontières se franchissent d’un geste. Composite City se déploie d’Osaka à Shanghai, de Hangzhou à Paris. Au fil des métamorphoses des pièces de décor, un espace chimérique et abstrait se dessine, épuré.

La Ville émerge, comme un lieu où les temporalités s’inversent : la transition y est permanente, la permanence, temporaire. L’état d’urgence s’institutionnalise et les chantiers sont permanents. Un bâtiment n’a plus que quelques décennies à vivre – la ville est à durée limitée. On peut la mettre en suspens, en faire une ville exceptionnelle – et une ville en état d’exception. Une ville-usine dont le récit donne à voir les machines et les machinations. Le rêve collectif de la métropole dans la nuit permanente d’un studio de cinéma.