JOURNÉE 1
11 janvier 2022
L’ histoire des images est intimement liée à celle de la mesure. Si, à la Renaissance, l’invention de la perspective en peinture permet de séparer notre monde mesuré, du divin incommensurable, les images sont, aujourd’hui, des outils de déchiffrement de la planète. Qu’elles soient le résultat d’une captation optique ou d’un calcul virtuel, les images contribuent à une modélisation du monde et deviennent parfois le fondement de la décision politique. Ainsi, elles légitiment l’établissement de la règle en « objectivant » de façon parfois tendancieuse cette prise de décision politique.
Introductions à la journée d’étude
Laboratoire Prospectives de l’image, ENSP,
Caroline Bernard enseignante-artiste
Fanny Terno, doctorante
Voir les embryons : entre esthétique et clinique
Véronique Mauron
Véronique Mauron est historienne de l’art, docteur ès Lettres (Ph.D) de l’Université de Lausanne. Elle a étudié à l’EHESS de Paris. Elle a été conservatrice de la Fondation Oskar Kokoschka au Musée Jenisch de Vevey et a conduit des recherches scientifiques interdisciplinaires (art et médecine, art et cartographie, art et espace public). Elle a été curatrice à la Ferme-Asile, centre d’art à Sion. Actuellement, elle enseigne à l’Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) où elle dirige aussi le programme culturel (concerts, performances, danse et art contemporain) du CDH-Culture. Outre de nombreux articles scientifiques, elle a publié, entre autres, Le corps évanoui, les images subites (Hazan, 1999), Le signe incarné. Ombres et reflets dans l’art contemporain, (Hazan, 2001), Figures de l’idiot (Léo Scheer, 2004), L’ombre du futur (PUF, 2007), Voyage en zygotie (Edition Cécile Defaut, 2016) et a dirigé de nombreux catalogues et études sur des artistes : Annelies Strba. Frances et les Elfes (2010), Louis Rivier, l’intimité transfigurée (Till Schaap, 2013), Emmanuelle Antille, L’Urgence des Fleurs (2013), Courants continus. Rudy Decelière (art&fiction, 2017), etc. Elle vit et travaille à Lausanne.
Issue d’une recherche sur les images créées par les biotechnologies relatives à la pro-création médicalement assistée (PMA), la conférence, intitulée Voir les embryons : entre esthétique et clinique, proposera un récit racontant les observations et les discours produits par des médecins, des biologistes et des parents. La PMA, telle que pratiquée en Suisse, s’effectue largement par et avec les images. Si les cellules fécondées ainsi que les embryons sont réellement présents dans la boîte de Petri placée sous le microscope, ils révèlent leurs caractéristiques, leurs formes, leurs tailles par les images photographiques prises pour les analyser. Quelques heures plus tard, les embryons qui seront implantés dans l’utérus de la femme seront à nouveau rendus visibles par une projection d’images sur un écran. Que signifie dans le vocabulaire des médecins et des biologistes la phrase : c’est un bel embryon ?
Cette conférence mettra en relief les possibilités offertes aux équipes médicales d’analyser, de mesurer et de décrire les embryons par les seules images. Elle ouvrira la discussion sur le pouvoir des images capables d’agir sur le réel à savoir la pratique biologique, le discours médical et leur effet sur les futurs parents.
Voir ou mesurer : quel est l’objectif ?
Colette Tron
Colette Tron est auteur et critique. Directrice artistique d’Alphabetville, laboratoire des écritures multimédia. Impliquée depuis près de vingt ans dans une pratique et une critique des arts et des technologies, notamment numériques, elle expérimente et explore les formes, les singularités, les hybridations qui y sont à l’œuvre. Dans la perspective manifeste de constituer un espace public critique, les champs de recherche et de création tentent des articulations entre arts, technologies et culture, ainsi que la conception de nouvelles approches pratique(s) et théorique(s) de l’art et de la culture. Colette Tron a dirigé deux ouvrages et publié de nombreux articles.
Telle est la question, concernant l’image numérisée, qu’aura tenté de décrypter l’artiste et réalisateur Harun Farocki, faisant référence aux artistes mathématiciens de la Renaissance et retraçant la calculabilité des images jusqu’aux technologies programmatiques et automatiques, qu’il nommait « images opératoires ». Les images ne sont alors plus faites, selon Farocki, ni par, ni pour l’œil humain. Elles ne deviennent qu’opération technique, ou fonctionnelles ; elles ne sont plus animées, mais programmées. Et déterminent par elles-mêmes des actions à accomplir, des décisions à prendre. La machine, la technologie, prennent le contrôle. A quoi et pour qui travaillent elles ? Quel est leur objectif ?
Excès de mesure, de nombre, d’instruments de calcul, domination des sciences et des techniques, relatifs à la modernité… Objectivation. Il s’agirait alors de repenser les formalisations, modélisations, du réel, à l’aune des technologies numériques, produisant une réalité abstraite dont on ne sait plus qui est l’auteur ni le contrôleur, et bientôt (désormais ?) absente de toute signification, et de toute orientation, de toute qualification. De toute vision.
Intervention de Maria Finders & discussion collective
Maria Finders, rapporteuse, en dialogue avec les intervenant.e.s et les étudiant.e.s
Maria Finders née à Athènes, Grèce en 1959, vit et travaille à Amsterdam, Arles et Paris. Elle est curatrice des LUMA Days pour LUMA Arles. Après une formation en histoire du cinéma et de l’art à Queens (Kingston, Ontario) et Concordia (Montréal, Québec) puis en dessin et peinture à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, Maria Finders a entrepris 30 ans de carrière dans l’art, l’entreprenariat et la technologie.